Sarah Maldoror

Sarah Maldoror

« Auteure d’une quarantaine de films, la cinéaste est décédée des suites du Covid-19, à l’âge de 90 ans, le 13 avril.

 

Née en 1929 d’une mère originaire du Gers et d’un père guadeloupéen, Sarah Maldoror s’est éteinte lundi 13 avril 2020. De son vrai nom Sarah Ducados (elle choisira celui de Maldoror en hommage au poète Lautréamont), elle monte à la fin des années 50, après des études à Paris, une compagnie de théâtre nommée “Les griots” et composée d’acteurs venus d’Afrique et des Caraïbes afin de lutter, entre autres, contre les rôles restreints qu’on leur proposait. La troupe (première compagnie de théâtre noire de France) jouera notamment des pièces d’Aimé Césaire et Jean Genet.

 

Au début des années 1960, elle part à Moscou étudier le cinéma au sein du prestigieux Institut national de la cinématographie (VGIK). Sarah Maldoror suivra ensuite les mouvements de lutte contre la colonisation en Algérie et en Guinée-Bissau avec son compagnon, le fondateur du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) Mario de Andrade. Cette dimension politique occupe une place centrale dans son œuvre. « Pour beaucoup de cinéastes africains, le cinéma est un outil de la révolution, une éducation politique pour transformer les consciences. Il s’inscrivait dans l’émergence d’un cinéma du Tiers-Monde cherchant à décoloniser la pensée pour favoriser des changements radicaux dans la société », expliquait Sarah Maldoror.

 

Elle participera au tournage de La Bataille d’Alger (1965) de Gillo Pontecorvo avant de tourner son premier court métrage évoquant la torture, Monangambée (1969) et, trois ans plus tard, son premier long métrage de fiction, Sambizanga, lui aussi adapté d’une nouvelle de l’écrivain angolais José Luandino Vieira et décrivant la répression du MPLA. En inscrivant son travail dans le témoignage de la décolonisation et de la prise de parole des peuples d’Afrique, Sarah Maldoror, considérée comme une pionnière du cinéma panafricain, a tourné au total plus de quarante films en privilégiant la forme documentaire, autant autour de lieux (Paris, La Réunion, le Mexique…) que de figures d’artistes (Louis Aragon, Aimé Césaire, René Depestre…). »

 

C’est ainsi que le Centre National du Cinéma rendit hommage à Sarah Maldoror.

 

L’hommage est court, incomplet voire discordant.

 

Sarah Maldoror me renvoie vers quelques années avant la fin de la décennie 80.

 

À ce moment-là, il y avait quatre apprentis réalisateurs : Euzahn Palcy, Philippe Niang, Guy Deslauriers et Gérard Théobald. Guy Deslauriers et moi, nous sommes rencontré à Anse-Bertrand, dont feu le maire José Moustache avais mis à disposition une partie de la plage au réalisateur Iradj Azimi pour la construction du plateau du « Radeau de la Méduse » avec Jean Yanne, Daniel Mesguich, Claude Jade, Rufus, Philippe Laudenbach, Jean Desailly, Marie Matheron, Alain Macé, Claude Brosset, Patrick Cheval entre autres.

 

Malgré nos âges, nous étions liés à une mémoire, à des convictions et à des personnalités telles que Joby Valente, Jenny Alpha, Toto Bissainthe, Joséphine Baker, Moune de Rivel, Gertrude Seinin, Darling Légitimus lesquelles étaient chanteuses, comédiennes. Ina et Michèle Césaire étaient discrètes.

 

Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, René Depestre, Joseph Zobel, Frantz Fanon, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Ernest Pépin, Jean Bernabé ou Joby Bernabé étaient écrivains. À l’exception des comédiens et acteurs Victor-Hégésippe Légitimus alias Gésip Légitimus, Théo Légitimus, Greg Germain et de Benjamin Jules-Rosette.

 

Quant aux femmes, Lucie Julia, Simone Schwarz-Bart, Suzanne Roussi et Maryse Condé se détachaient du chant et de la comédie. Cependant tous furent liés à la Négritude et au Festival mondial des Arts nègres à Dakar en 1966.

 

Sur l’hexagone, il y avait peu de producteurs, personnes noires hors Jacques Césaire, et Gésip Légitimus, le fondateur de la radio Tropiques FM qui devint Média Tropical.

 

Dans une ambiance révolutionnaire et indépendantiste, j’assistais à la fin d’une époque correspondant à la négritude, aux indépendances africaines, aux guerres d’Algérie ou du Vietnam et aux droits civiques, au début d’une autre qui annonçait la fin de l’Internationale des diverses nations unies pour défendre leurs revendications communes dont le prolétariat et les luttes sociales face à l’impérialisme des anciennes puissances coloniales.

 

Apparaissaient d’autres noms, d’autres personnalités telles George Pau-Langevin, Luc ou Michel Reinette, Jack Berthelot, François Casimir, Fred Pineau, Michel Uranie, Dominique Larifla ou Lucette Michaux-Chevry qui divisaient entre indépendances de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et la souveraineté et l’attachement à la République française.

 

Derrière ces noms du mouvement patriotique marxiste-nationaliste se dessinaient les visages de Cheikh Anta Diop, de Malcom X, James Baldwin, Martin Luther King ou d’Angela Davis et Toni Morrison qui certifiaient du conflit entre ceux qui désiraient la liberté, la justice et l’égalité pour tous et ceux qui souhaitaient maintenir le système d’exploitation.

 

La Guadeloupe est une nation qui n’a pas d’état, malgré le droit international, la France refuse d’appliquer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en évoquant des arguments indignes d’un pays qui se croit patrie des droits de l’homme afin d’ouvrir la voie de la souveraineté selon les principes d’Ernest Renan :

« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes ».

 

Le combat à la liberté, à la justice et à l’égalité excluait la marque de la couleur de l’épiderme. Il imposait tant un principe spirituel qu’un passé commun. Cependant la dimension sociale et de classe établie selon les préjugés du classement du genre humain asservissait le passé dans un espace en crise et considéré colonial.

 

Par des voix de personnalités de droit tels Gerty Archimède, Georges Gratiant ou Marcel Manville, plus proche ami de Frantz Fanon, le mouvement patriotique fit trembler les murs du système colonial.

 

Or, la question de classe établie selon les préjugés du classement du genre humain s’installait indissociable de la lutte indépendantiste car il était demandé la fin de la tutelle, la sortie de la domination.

 

Les enjeux et leurs lectures subséquentes se brouillaient. Les « blancs pays », ou les « blancs créoles » se confondaient à Jacques Koch-Foccart alias Jacques Foccart, dont le père Guillaume Koch-Foccart fut maire de Gourbeyre   et consul de la principauté de Monaco en Guadeloupe. Sa mère Elmire Courtemanche de la Clémandière était « blanche pays » de Petit Canal.

 

Membre fondateur du service d’action civique   avec Achille Peretti et Charles Pasqua, homme du secret, technicien du renseignement, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches entre 1960 et 1974, Jacques Foccart était souvent décrit comme l’homme le plus puissant de la V° République, pour le rôle central qu’il jouait dans les relations obscures entre la France et l’Afrique. Il fut l’artisan de la dépendance et de la françafrique, d’abord sous la présidence De Gaulle, puis sous Georges Pompidou et enfin sous Jacques Chirac. Les anciennes colonies n’étaient certes plus la France, les nouvelles nations prétendument « indépendantes » faisaient figures de DOM-TOM.

 

La préservation des intérêts français en Afrique est une manière pour l’ancienne puissance coloniale de continuer à peser lourdement sur l’échiquier international, au détriment des populations africaines.

 

La Guadeloupe devenait le pays dans lequel le Blanc, le Créole, le Nègre se confrontaient le divin et l’humain. Tous chantaient Maldoror.

 

Tous glorifiaient le maléfique, le satirique, le sarcastique homme sans visage dont Aimé Césaire, dans Discours sur le colonialisme, proposait une interprétation matérialiste et politique des chants :

    « Et Isidore Ducasse, comte de Lautréamont !

À ce sujet, il est grand temps de dissiper l’atmosphère de scandale qui a été créée autour des Chants de Maldoror.

Monstruosité ? Aérolithe littéraire ? Délire d’une imagination malade ? Allons donc ! Comme c’est commode !

La vérité est que Lautréamont n’a eu qu’à regarder, les yeux dans les yeux, l’homme de fer forgé par la société capitaliste, pour appréhender le monstre, le monstre quotidien, son héros.

Nul ne nie la véracité de Balzac.

Mais attention : faites Vautrin, retour des pays chauds, donnez-lui les ailes de l’archange et les frissons du paludisme, faites-le accompagner, sur le pavé parisien, d’une escorte de vampires urugayens et de fourmis tambochas, et vous aurez Maldoror.

Variante du décor, mais c’est bien du même monde, c’est bien du même homme qu’il s’agit, dur, inflexible, sans scrupules, amateur, comme pas un, « de la viande d’autrui ».

Pour ouvrir ici une parenthèse dans ma parenthèse, je crois qu’un jour viendra où tous les éléments réunis, toutes les sources dépouillées, toutes les circonstances de l’œuvre élucidées, il sera possible de donner des Chants de Maldoror une interprétation matérialiste et historique qui fera apparaître de cette épopée forcenée un aspect par trop méconnu, celui d’une implacable dénonciation d’une forme très précise de société, telle qu’elle ne pouvait échapper au plus aigu des regards vers l’année 1865.

Auparavant, bien entendu, il aura fallu débroussailler la route des commentaires occultistes et métaphysiques qui l’offusquent ; redonner son importance à telles strophes négligées – celle, par exemple, entre toutes étrange de la mine de poux où on n’acceptera de voir ni plus ni moins que la dénonciation du pouvoir maléfique de l’or et de la thésaurisation ; restituer sa vraie place à l’admirable épisode de l’omnibus, et consentir à y trouver très platement ce qui y est, savoir la peinture à peine allégorique d’une société où les privilégiés, confortablement assis, refusent de se serrer pour faire place au nouvel arrivant, et – soit dit en passant – qui recueille l’enfant durement rejeté ? Le peuple ! Ici représenté par le chiffonnier. Le chiffonnier de Baudelaire :

Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets,

Épanche tout son cœur en glorieux projets.

Il prête des serments, dicte des lois sublimes,

Terrasse les méchants, relève les victimes,

Alors, n’est-il pas vrai, on comprendra que l’ennemi dont Lautréamont a fait l’ennemi, le « créateur » anthropophage et décerveleur, le sadique « juché sur un trône formé d’excréments humains et d’or », l’hypocrite, le débauché, le fainéant qui « mange le pain des autres » et que l’on retrouve de temps en temps ivre-mort « comme une punaise qui a mâché pendant la nuit trois tonneaux de sang », on comprendra que ce créateur-là, ce n’est pas derrière le nuage qu’il faut aller le chercher, mais que nous avons plus de chance de le trouver dans l’annuaire Desfossés et dans quelque confortable conseil d’administration ! »

 

Ainsi se présentait l’homme sans visage Maldoror selon le poète, colonialiste violent, destructeur criminel, exploitant violent des peuples et honteux pilleur des ressources.

 

Choisissant Maldoror face au monde, l’homme sans visage, caché sous son obscurité ou agissant déguisé sous diverses identités, se révélait femme à la peau brune, à la chevelure crépue, à l’accent chantant du sud, combattante du classement du genre humain, la domination, les inégalités. Marguerite Sarah Ducados critiquait la décadence bourgeoise de l’« œuvre civilisatrice » se méprenant sur ses qualités, son caractère barbare  et malin au travers du système économique capitaliste. Il y a le désir de lutter contre le regard des autres, porté en particulier aux Nègres   d’ici et d’ailleurs :

« Je suis de Guadeloupe, je fais partie des esclaves qui ont été envoyés là-bas, je suis africaine ».

 

Devenue Sarah Maldoror ses actes et ses choix furent un écho à ce premier geste. Elle travaillait à reciviliser les colonisateurs, à l’éveiller face à sa convoitise, à sa violence, à sa haine des populations jugées inférieures, à dénoncer le ridicule des discriminations et du classement du genre humain   des Français envers les Nègres.

 

Elle éduquait tantôt par la scène tantôt par l’image. Elle fut souvent engagée pour interpréter de petits rôles et prit conscience des difficultés que rencontrent les comédiens noirs dans le milieu de la scène.

 

Sarah Maldoror s’imaginait alors dramaturge ou tragédienne.

 

Le théâtre de la Gaîté-Montparnasse est situé à quelques rues du Bal nègre. En novembre 1946, Juliette Gréco   jouait sur scène dans Victor ou les enfants au pouvoir une pièce de Roger Vitrac. Le jeu terminé, la comédienne retrouvait ses amis du Parti communiste français et de la Confédération générale du travail unitaire au 33, de la rue Blomet avec Roger Blin. Ce dernier était professeur d’art dramatique à l’École de la rue Blanche. Il enseigna les règles de la scène à Sarah Maldoror, à Toto Bissainthe, à Samba Ababakar  , à Timité Bassori   et à Robert Liensol   qui souhaitèrent fonder la première troupe de théâtre entièrement composée d’acteurs africains et antillais en France.

 

La récente départementalisation   de la Guadeloupe et de la Martinique favorisait l’idée qui se complétait aux idées égalitaires si bien représentées par le docteur Chérif Sid Cara au Conseil de la République. Richard Wright prenait la nationalité française et s’engageait dans la lutte pour l’indépendance des peuples coloniaux.

 

Après des débuts au théâtre elle fonde en 1956, Les griots, la première compagnie théâtrale composée d’acteurs africains et afro-caribéens « pour en finir avec les rôles de servante » et « faire connaître les artistes et écrivains noirs ». Dans cette entreprise, elle fut accompagnée de ses amis Toto Bissainthe, Samba Ababakar, Timité Bassori et Robert Liensol qui co-fondèrent la troupe avec elle.  L’affiche de leur première mise en scène, Huis clos est signée de l’artiste cubain Wifredo Lam. Suivirent des pièces telles La Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire, Les Nègres de Jean Genet, ou encore No Exit de l’écrivain Jean-Paul Sartre.

 

La même année   au sein de la librairie anticolonialiste Présence africaine, où s’expriment toutes les voix militantes de la diaspora du continent, elle rencontra son compagnon et père de ses filles, Mário Pinto de Andrade, lequel étudiait la sociologie à la Sorbonne, co-fondateur du Parti communiste de l’Angola. Il était secrétaire général de l’association Présence africaine.

 

Il assistait Alioune Diop, fondateur de Présence africaine, lorsque celui-ci organisa le premier congrès des écrivains et artistes noirs à Paris. Et, il devint un ami proche des poètes Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Frantz Fanon ou Richard Wright.

 

Peu après le congrès, il cofonda avec Agostinho Neto, le Mouvement pour la libération de l’Angola   afin de mener la guerre d’indépendance contre le Portugal et de « bâtir une société où l’homme ne soit plus exploité par l’homme ». Ses leaders étaient de jeunes intellectuels révolutionnaires de la capitale. Ils étaient pour la plupart les fils d’une vieille bourgeoisie nationaliste, liés le plus souvent par leur ascendance à la terre où l’on parle le kimbundu. Le Mouvement était très enraciné dans les muceques, les quartiers africains, de Luanda et de Nova-Lisboa.

 

Certains de ces intellectuels firent leurs études à Lisbonne et ils nouèrent des liens très étroits avec les éléments nationalistes des autres colonies portugaises, la Guinée, le Cap-Vert, le Mozambique ou Goa. Ils étaient capables d’établir un programme de lutte en vue de l’indépendance de leurs patries et de définir, à titre de projet, le contenu précis, politique, économique, social, culturel, de cette indépendance. Ils avaient dans les mains la clé du problème de l’unité des ethnies dans l’Angola de la guerre et de l’indépendance.

 

Les noms de ces hommes qui se rencontrèrent à Lisbonne dans les années 50 sont aujourd’hui célèbres : Agostinho Neto, Lucio Lara, Mario de Andrade, étaient Angolais ; Marcelino dos Santos, Mozambicain ; Amilcar Cabral, Capverdien.

 

En janvier 1958, Les Nègres fut publié. Sarah Maldoror en découvrit l’écriture. Déjà, la comédienne avait pris conscience de la situation africaine, elle poursuivait à rencontrer et écouter la justesse du combat des militants anticolonialistes. Quant à Mario de Andrad, il contribuait à l’organisation de la Conférence des écrivains noirs à Rome.

 

Pour la création Les Nègres, d’autres comédiens rejoignirent la troupe, parmi lesquels Georges Hilarion, Théo Légitimus et sa mère chanteuse au Bal nègre, Darling Légitimus   s’exposaient dans les Nègres. Dans le film, Les Sorcières de Salem, cette dernière incarnait le rôle de Tituba, une esclave qui fut l’une des premières accusées. 

 

Jean Genet eut raison d’écrire Les Nègres qui est une œuvre pour le moins déconcertante. L’œuvre précédait le Théâtre Noir. À la fin des années 1950, elle saisit l’enjeu de l’audiovisuel pour les luttes de libération.

 

Sur les conseils de Chris Marker, Sarah Maldoror obtint une bourse pour rejoindre le prestigieux Institut national de la cinématographie de l’Union Soviétique. En 1951, le réalisateur collabora avec Alain Resnais à qui la revue Présence africaine commanda un film sur l’Art nègre rendu renommé en Europe dans les années 1910-1920. Le film traitait de la différence entre l’Art nègre et l’Art royal :

« Pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au musée de l’Homme alors que l’art grec ou égyptien se trouve au Louvre ?

 

Alain Resnais demanda à Chris Marker d’écrire les commentaires du film et de participer à sa réalisation. Ainsi en 1953, naissait le film « Les statues meurent aussi »   dans lequel les réalisateurs dénoncèrent le manque de considération pour l’Art africain dans un contexte de colonisation, et relevèrent le classement du genre humain   manifeste derrière ces choix. Du fait de son point de vue anti-colonialiste, le film resta interdit par la censure pendant 11 ans en France. Cependant il reçut le prix Jean-Vigo en 1954 :

« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture. »

 

Le propos constatait de la relation de l’Occident avec l’Afrique. À la veille du premier Congrès des écrivains et artistes noirs Les statues meurent aussi fut projeté à la Sorbonne.

 

Le 4 février 1961, le Mouvement populaire de libération de l’Angola, présidé par Mario de Andrade, donnait le signal de l’insurrection nationale. Sarah Maldoror partit à Moscou à l’Institut national de la cinématographie S. A. Guerassimov pour se former au cinéma sous la direction de Mark Donskoi.

 

 

Elle y rencontra le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, lequel était déjà connu pour son écriture au travers de trois livres. En 1946, il embarqua clandestinement pour la France et débarqua à Marseille, où il vit de différents petits travaux. Dix ans durant, il fut docker au port de Marseille. Il adhéra à la Confédération générale du travail et au Parti communiste français, où il développa des convictions marxistes et militantes. Il milita contre la guerre en Indochine   et pour l’indépendance de l’Algérie.

 

La fréquentation tant des bibliothèques de la Confédération générale du travail que des cours offerts par le Parti communiste français développèrent son intérêt pour l’écriture. En 1956, il publia son premier roman, Le Docker noir   qui relate son expérience de docker. Puis en 1957 il publia Ô pays, mon beau peuple. En 1960, il publia un nouveau roman, Les Bouts de bois de Dieu   qui raconte l’histoire de la grève des cheminots en 1947-1948 du Dakar-Niger, la ligne de chemin de fer qui relie Dakar à Bamako.

 

Ils restèrent amis jusqu’aux derniers instants de la vie de la vie du cinéaste qui mourut à l’âge de 84 ans à son domicile à Yoff le 9 juin 2007.

 

À Moscou, naissait sa première fille Anouchka.

 

Après ce séjour soviétique, elle rejoint en 1963 au Maroc, son compagnon Mário Pinto de Andrade qui était coordinateur de la Conférence des organisations nationalistes des colonies portugaises, une organisation axée sur la coopération entre les mouvements de libération nationale en Afrique lusophone et les pionniers de la lutte des mouvements de libération africains en Guinée, en Algérie et en Guinée-Bissau. Elle côtoyait Agostinho Neto et Almicar Cabral, fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert.

 

Cette dimension politique occupa une place centrale dans son œuvre. Elle aimait à répéter que :

« Pour beaucoup de cinéastes africains, le cinéma est un outil de la révolution, une éducation politique pour transformer les consciences. Il s’inscrivait dans l’émergence d’un cinéma du Tiers Monde cherchant à décoloniser la pensée pour favoriser des changements radicaux dans la société ».

 

La lutte anticoloniale était une bataille d’images qui invitait à la déconstruction des imaginaires autant qu’elle exigeait des artistes du continent qu’ils les réinventèrent. « Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à La Mecque et les révolutionnaires à Alger », affirmait Amílcar Cabral.

 

En 1964, à Rabat naissait sa seconde fille Henda.

 

Aussi, la cinéaste soutenait les militants noirs américains des Blacks Panthers et ceux luttant contre la ségrégation raciale aux États-Unis. À Alger aux côtés de Gilo Pontecorvo sur La bataille d’Alger (1965), puis d’Ahmed Lalem dans le documentaire « Ellas » (1966), puis de William Klein pour le Festival panafricain d’Alger (1969), elle fit ses débuts cinématographiques. Elle rencontra Assia Djebar   dont elle était l’amie avec laquelle elle partageait de nombreux combat pour la liberté de la femme.

 

En 1966, la famille déménagea à Alger où le Front de Libération Nationale était devenu un allié important du Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola et le président Ben Bella mit à disposition de la famille une résidence sur l’avenue Abdel Kader à Bab el Oued.

 

Plus qu’une terre d’accueil pour les intellectuels comme Frantz Fanon ou les militants comme Eldridge Cleaver, la jeune république algérienne finançait ce cinéma internationaliste qui œuvrait au service des indépendances africaines. Elle produisit le premier court métrage de Sarah Maldoror, avec la conviction partagée que la culture, et le cinéma en particulier, était une arme de plus contre l’impérialisme. Une stratégie symbolisée par l’organisation du Festival panafricain d’Alger.

 

En 1968, elle tourna son premier film Monangambé   sur les tortures par l’armée portugaise avec Mohamed Zinet, Carlos Pestena, Elisa Pestana. Ce film traite de l’incompréhension entre le colonisateur et le colonisé, il est une adaptation du roman Le complet de Mateus   de l’écrivain angolais José Luandino Vieira alors emprisonné par le pouvoir colonial portugais.

 

En 1969, le montage se finissait, Sarah Maldoror aborda les membres de l’Art Ensemble of Chicago à la fin d’un concert parisien et leur proposa de sonoriser son film. Ils visionnèrent le film, furent convaincus, dans la foulée, ils enregistrèrent leur première bande-son gratuitement comme l’évidence d’une solidarité afro-américaine. Le film se vit décerner plusieurs prix dont celui de meilleur réalisateur, par le Festival de Carthage.

 

Engagée dans le maquis de Guinée Bissau sur l’archipel Bijagós en 1970, elle tournait Des fusils pour Banta   qui traitait du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert qui luttait contre le pouvoir colonial et pour l’indépendance. Elle suivit les combattants d’un village, à partir d’un personnage central Awa, une jeune femme qui a rejoint le parti.

 

En 1971, le premier montage donnait un rôle trop important aux femmes dans la guerrilla.  Cette vision du montage engagea un désaccord avec la hiérarchie du Front de Libération Nationale   au pouvoir. Elle fut expulsée d’Algérie par l’armée, et les bobines lui furent confisquées. Jusqu’à ce jour, les rushs du film ne sont pas retrouvés. Cependant, les diverses versions des scripts permettent de spéculer sur la nature de ce film, oscillant entre fiction et documentaire, qui aurait comme protagonistes principaux des femmes et des enfants transportant des armes depuis un débarcadère, jusqu’au village appelé Banta.

 

Sarah Maldoror tourna également des fictions et des documentaires en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, ou au Congo. En 1972, elle y tourna Sambizanga un film sur la guerre de libération de l’Angola dont le scénario était de Maurice Pons, Claude Agostini et Mario de Andrade. C’est une adaptation du roman La Vraie vie de Domingos Xavier de l’écrivain angolais José Luandino Vieira.

 

Le film est un drame politique qui se déroulait en 1961, au début de la guerre d’indépendance de l’Angola qui montre la lutte du mouvement de libération angolais, à travers le trajet politique d’une femme Maria dont le mari Domingos Xavier, un militant révolutionnaire angolais est arrêté par la police secrète portugaise. Il est emmené en prison à Sambizanga où il subit des interrogatoires puis des tortures destinées à lui soutirer les noms de ses contacts indépendantistes. Le film se place du point de vue de Maria, la femme de Xavier, qui part à la recherche de son mari de prison en prison sans comprendre exactement ce qui est en train de se passer, tandis que Xavier est torturé et battu à mort.

 

Sarah Maldoror fut seule à parvenir à porter au cinéma la voix des militants africains en lutte alors que la guerre au Vietnam occupait tous les esprits. Elle donna une visibilité aux guerres de décolonisation africaines, notamment en Angola, en Guinée Bissau, en Guinée Française et au Cap Vert. La langue occupait un rôle à part entière dans ses films, c’est à travers les mots des autres et leur poésie qu’elle dénonce les douleurs de la colonisation. Une voix qui dit :

« L’ignorance et le mépris de la culture des colonisés, la torture et l’emprisonnement des opposants à la colonisation, l’engagement des femmes, la solidarité humaine face à l’oppression. »

 

Suite à l’expulsion, Sarah Maldoror s’installa en France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), et continue à faire des films. Elle privilégia alors le format du documentaire qui lui permit de définir au travers de portraits d’artistes (Ana Mercedes Hoyos), de poètes (Aimé Césaire, Léon Gontran Damas), de précurseurs (Toto Bissainthe), l’horizon nécessaire à la réhabilitation de l’histoire noire et de ses figures les plus marquantes. Ses portraits de Miro, Louis Aragon ou Emmanuel Ungaro témoignent de son brillant éclectisme.

 

Au début des années 1990, Sarah Maldoror ne ratait jamais les Rencontres cinématographiques de Dakar   organisées à l’époque par son amie Annette Mbaye d’Erneville, première femme journaliste sénégalaise et amoureuse du 7ème art.

 

Lors des débats et colloques, ses prises de parole à la fois passionnées et exaltantes traduisaient tout son engagement pour un cinéma africain libre et engagé. Elle qui fut de la génération d’Ousmane Sembène, de Tahar Cheriaa et de Lionel Ngakane, lesquels naissaient dans les années 1920. Elle aimait les retrouver à Dakar où ils passaient des journées entières à échanger sur l’avenir du 7ème art dans le continent.

 

Au Fespaco de Ouagadougou ou les Journées cinématographiques de Carthage, Sarah Maldoror honorait également de sa présence les projections, débats et masters class. Dans l’univers du cinéma antillais et africain, elle était la première cinéaste qui soit parvenue avec autant de force et de caractère à porter à l’écran les voix des persécutés et des insoumis par le traitement des sujets, avec poésie et une qualité esthétique constante.

 

Son regard fut au service des luttes contre les intolérances et les stigmatisations de tous types. Elle accordait une importance fondamentale à la solidarité entre les opprimés, à la répression politique, et à la culture comme unique moyen d’élévation d’une société.  Restant fidèle jusqu’à la fin à la pensée de Frantz Fanon sur lequel elle préparait de longue date un film :

« Oui, il faut compromettre tout le monde dans le combat pour le salut commun. »

 

De l’intérieur vers l’extérieur pour revenir vers l’intérieur tel fut son regard pour :

–        Les guerres africaines contemporaines de libération et la persévérance dans la lutte ;

–        Les femmes dans la lutte ;

–        Les discriminations et le classement du genre humain ;

–        La solidarité entre opprimés ;

–        La répression politique et l’insoumission ;

–        La lutte via la culture ;

–        La Négritude.

 

Elle fit de son corps une femme qui s’interroge :

« Tous les sujets traditionnels sont possibles, mais c’est le comment qui se pose, pour aller à l’encontre des images bornées qu’ont les gens de l’Afrique. Il nous faut montrer l’Afrique telle qu’elle est. Dans ses beaux décors comme dans sa misère, même si la désillusion est grande de voir qu’on s’est tant battu pour en arriver là »

 

Engagée dans les luttes de libération en Afrique, elle rendait leurs humanités, leurs droits perdus et leurs estimes publiques aux héros nègres, aux héros américains ou africains de l’Histoire, lesquels furent et sont occultés, ignorés voire effacés par le pouvoir central dit « métropolitain » voire colonial.

 

Sarah Maldoror se réappropria l’histoire coloniale pour faire un cinéma contestataire, incitatif, qui visait au préalable la décolonisation de la culture et du spectateur opprimé, encore une fidélité à Frantz Fanon qui pensait :

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir ».

 

Des terrains de lutte succédant aux combats menés à leur époque par les générations précédentes. Nos parents combattirent pour l’égalité des droits politiques et sociaux. Avant eux, leurs parents réclamèrent l’assimilation à la France, en payant l’impôt du sang.

 

Avant ceux-ci, leurs parents obtinrent l’école laïque, en affrontant le clergé tout-puissant et les békés, les « blancs pays », les « blancs créoles » qui ne voulaient pas entendre parler de l’instruction publique et gratuite. Encore avant, leurs parents esclaves gagnèrent leur liberté. À chaque époque, ses problématiques. À chaque génération ses préoccupations.

 

Si la révolte était science, Sarah Maldoror en aurait écrit, tourné certaines grandes pages, elle contribua à combler le déficit d’images de femmes africaines devant et derrière la caméra, elle incarnait l’engagement de l’artiste et l’art comme acte de liberté. Son ami le poète Aimé Césaire, lui écrivit ces mots :

« A Sarah Maldo… qui, caméra au poing, combat l’oppression, l’aliénation et défie la connerie humaine. »

 

Sarah Maldoror partageait son regard de femme, en particulier ce regard de femme nègre sur une partie du continent à une époque où l’on commence tout juste à parler du cinéma africain et à reconnaître son importance. Elle ouvrit le chemin et participa à encourager des femmes à faire du cinéma telles qu’Assia Djebar, Safi Faye, Thérèse Sita-Bella, qui affirma :

    « Dans les années 1970, nous étions très peu à être des femmes cameramen. À cette époque, nous étions très peu, il y avait quelques Antillaises, une femme du Sénégal appelé Safi Faye et moi. Mais vous savez le cinéma n’était pas l’affaire des femmes. »

 

Ces dernières ouvrirent le chemin à d’autres comme Rahmatou Keïta (Niger), Rose Bekale (Gabon), Aminata Ouedraogo (Burkina Faso), ou Yangba Léonie (Centrafrique).

 

Marguerite Sarah Ducados, cette femme à la peau brune, à la chevelure crépue, à l’accent chantant du sud, combattante du classement du genre humain fut fidèle à son premier geste. Cette femme de Guadeloupe, descendante d’esclaves qui furent envoyés aux Amériques, descendante africaine fut fidèle à Maldoror.

 

Elle fut fidèle à ses amis des premiers moments s’agissant de Roger Blin, Wifredo Lam, Aimé Césaire, Léon Gontran Damas, Jean Genet, Jean-Paul Sartre, Alain Resnais, Chris Marker, Frantz Fanon, Eldridge Cleaver, Marcel Manville, François Maspéro, Ousmane Sembène, Tahar Cheriaa, Lionel Ngakane, Suzanne Roussi, Jenny Alpha, Darling Légitimus, Assia Djebar, Annette Mbaye d’Erneville, Thérèse Sita-Bella, Angela Davis, Simone Schwarz-Bart, Maryse Condé, Joby Valente et bien d’autres.

 

 Elle fut fidèle aux Griots, aux louanges, au verbe, à la parole et aux merveilleux Toto Bissainthe, Samba Ababakar, Timité Bassori et Robert Liensol. 

 

Elle fut fidèle à l’Internationale, au communisme, à la morale révolutionnaire, aux grands passeurs de la pensée et de l’héritage communiste et anticolonialiste de l’après-guerre. Des éditions Présence africaine et Maspero, références incontournables de l’édition critique qui furent le théâtre de débats importants des militants des colonies portugaises, avec Amilcar Cabral, avec Césaire (alors député), avec Senghor (alors sénateur), avec Léon Gontran Damas et avcec Frantz Fanon.

 

Sa vie avec Mario de Andrade témoigne.

 

Elle fut fidèle aux Amériques, à l’Afrique, des pays, aux Guinée(s), au Cap-Vert, au Sénégal, à la Martinique, à la Guadeloupe, à l’Angola, à l’Algérie, à des villes, Moscou et Alger.

 

Depuis quelque temps la France redécouvre avec étonnement son passé colonial et ses legs subséquents et conflictuels. Longtemps interdites et ignorées, les questions identitaires s’installent et passionnent grand nombre de Français héritiers des mémoires de l’esclaves et du colonisé américain ou africain ainsi que leurs amis non-inscrits dans ces héritages, proches des idéaux humanistes convoqués par les années dites progressives invoquant, ainsi, les septennats du président François Mitterrand et l’avènement du Parti socialiste.

 

En 1983, un évènement passait inaperçu. En septembre à Paris, en face de l’ambassade de l’Afrique du Sud, naissait le MNH : le Mouvement pour une Nouvelle Humanité est créé par des personnes noires, à l’instar du Parti Progressiste Martiniquais fondé par Aimé Césaire, le 22 mars 1958. Des liens s’établissaient entre progrès et humanité, entre la nouvelle et l’ancienne humanité, entre le nouveau et l’ancien Monde….

 

Ce jour de Septembre 1983, Paris, capitale des Droits de l’homme du rétablissement de l’esclavage, Paris capitale de la nation civilisatrice du monde, voyait défiler en un seul et même groupe ses anciennes colonies, des premières aux dernières, venues des horizons nègres. Ce samedi de septembre 1983 signait l’échec de Monsieur Ferry. Manifestement les civilisations supérieures n’ont guère réussi à éduquer les civilisations inférieures.

 

Ce samedi de septembre 1983, en face de l’ambassade d’Afrique du Sud, Jules Ferry perdit la raison. Ces Nègres, en minuscule, en majuscule, ces héritiers des cultures du rapt, de la déportation, de la traite, de l’esclave, du travail forcé, de l’exploitation et de la résistance, affirment à Paris, en France : « nous vivons dans un mini apartheid ». En affirmant cette situation, les manifestants complétaient leur héritage par des notions de terreur exercée, d’humiliation et d’aliénation, un avilissement face à l’histoire de l’humanité, un déni de leur personne.

 

Moins de trois mois plus tard, avec la première manifestation massive de la jeunesse française, « la Marche pour l’Égalité », la République découvrait un nouveau visage de la Nation française. Un visage composé des additions des multiples traits des anciennes colonies, rendant visibles les différentes teintes de l’épiderme, selon le taux de mélanine de chacun allant du rose à l’ébène en apparence. Dès lors chacun se mit à parler de diversité.  S’ensuit « la marche pour l’égalité et contre le racisme » en 1984, ainsi que la création de l’association SOS Racisme dont le but était la lutte contre le racisme, l’antisémitisme.

 

En 1986, cette jeunesse participa aux manifestations estudiantines contre le projet de réforme universitaire du ministre Alain Devaquet qui démissionna suite à l’affaire Malik Oussekine, un étudiant franco-algérien de l’École supérieure des professions immobilières, frappé à coups de matraque, à coups de pieds dans le ventre et dans le dos, mort à l’âge de vingt-deux ans. Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua et le ministre délégué chargé de la sécurité Robert Pandraud suscitèrent alors une controverse en ne condamnant pas l’action de la police. Dans un entretien au journal Le Monde, Robert Pandraud déclara : « si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais de faire le con dans la nuit. […] Ce n’était pas le héros des étudiants français qu’on a dit ».

 

Diversité, mosaïque multiculturelle, multi-identitaire, métissage sont des vocables qui s’installèrent dans le langage courant définissant une reconnaissance de l’étrangeté de l’Autre français qualifié de « nouveau Français » au regard tant de la Constitution française et ses modifications que des indépendances des pays anciennement constitutifs de l’empire français.

 

À ces mots s’ajoutèrent des expressions, des compléments d’objets directs ou indirects, définissant soit des domaines d’activités tels que la musique, la danse, le sport ; soit des espaces de divertissement. L’apogée de cette ambiguïté, de cette confusion, fut la coupe du monde de football de 1998. Plutôt que la victoire de la France ou de l’équipe de France, ce fut la victoire de la France BBB qui fut célébrée ! Celle des 3B qui fut portée aux nues ! Celle du triple B qui fut encensée ! Celle d’une France Black, Blanc, Beur, s’imposa : « Autre Français », face à la Nation et à la nationalité. La distinction, quinze ans après ce samedi d’été indien de septembre 1993, l’emporta. 

 

Parents au moment des Marches, les acteurs du samedi 23 Septembre furent confrontés aux regards, aux critiques, ainsi qu’aux propos de leurs enfants qui, adolescents ou jeunes adultes, présentaient un échantillon de la jeunesse française de l’époque criant : « Nous sommes Français ». La notion brute et essentielle de première, deuxième, troisième génération : « On y est, on y reste », une variante collective du slogan personnel et individuel « J’y suis, j’y reste ». Discriminée à l’entrée de boîtes de nuit, à l’emploi, au logement et victime tant du contrôle au faciès que des violences policières, cette jeunesse crie son appartenance à la Nation, pose sa citoyenneté et s’empare de l’espace constitutionnel.

 

Quelques trente ans plus tard, attestés par des centaines de manifestations, ces comportements de discrimination persistent au sein de la société. L’échec des différentes revendications d’égalité, de fraternité, ainsi que des politiques conséquentes induisent le 21 Avril 2002. Le Front National porte son leader Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002. Et, pour la circonstance, il élimine le Parti Socialiste ainsi que son candidat, l’ex-Premier ministre Lionel Jospin.

 

La médiatisation du classement du genre humain sur la scène politique en direction de l’électeur s’enracinait et arborait des formes multiples selon le degré de connaissance, le degré d’altérité et de l’électorat : le révisionnisme, le négationnisme, le doudouïsme et le drame en sont les principes récurrents en la matière. S’ajoutèrent l’exclusion de la représentativité de la République aux mille visages, l’inexistence dans la transmission et dans l’établissement du savoir des mémoires de ces nouveaux Français qui restent des personnes d’origine, à l’instar du produit ou de l’objet d’appellation contrôlée, figeant ainsi une position qui traduit l’aspect du perpétuel étranger, de l’éternel intrus à la Constitution.

 

Ces opportuns qui profitèrent sans participer à la construction nationale voire à l’histoire nationale, sans que personne n’ait à discuter de la Négritude et de l’établissement du principe d’égalité faisant des premières colonies des départements français. Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas, Guy Tirolien, Birago Diop, René Depestre confrontés à une francité perçue comme oppressante et instrument de la comptabilité coloniale française revendiquaient leur identité noire et leur culture. Dès lors, la cassure est irrémédiable, irréparable… Or la France, pays des Droits de l’Homme se doit d’accepter ses enfants de l’ailleurs.

Peu importe l’ailleurs ! Ce samedi de Septembre 1983 reste l’échec de Monsieur Ferry, les enfants des colonies sont réunis à Paris, en face de l’ambassade de l’Afrique du Sud, formaient le Mouvement pour une Nouvelle Humanité et rappelèrent les principes de la devise : Liberté, Égalité, Fraternité… Ce grand pays colonial n’a pas vu et envisagé l’avenir ainsi, malgré les illustres personnes que sont les Marie de Bourbon, Alexandre Dumas, Saint-Georges, Toussaint-Louverture, Abd Al Kader malgré les descendances que sont Alexandre Dumas, Georges Sand ou Colette.

 

L’avenir était ailleurs et il était inattendu à Paris sur cette place proche du champ de Mars, proche de l’Assemblée nationale, à quelques mètres de l’Elysée… le palais. Les ombres de Jean-Baptiste Mills et de Jean-Baptiste Belley, les citoyens de couleur planaient.

 

J’étais de cette jeunesse des années 1980, de ces Nègres, en minuscule, en majuscule, ces héritiers des cultures du rapt, de la déportation, de la traite, de l’esclave, du travail forcé, de l’exploitation et de la résistance. J’étais pétri Lucie Julia, Simone Schwarz-Bart, Suzanne Roussi, Maryse Condé, Toni Morrison, Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, René Depestre, Joseph Zobel, Frantz Fanon, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Ernest Pépin, Jean Genet, Louis Aragon, Jean-Paul Sartre, Boris Vian, Robert Desnos, André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault.

 

Ces écrivains furent le socle de notre relation, Frantz Fanon et Aimé Césaire en furent le ciment, le cinéma fut l’amitié.

 

Sarah Maldoror et moi partagions la liberté, l’égalité et la fraternité. Au-delà des mots nous savions que ces notions majeures marquent l’aptitude des individus à exercer leur volonté. Nous partagions du commun des Amériques, de l’Afrique, de la Négritude, des pays, des amis, de l’Internationale, et du communisme.

 

Trente-cinq ans nous séparaient. Ses convictions et son sens révolutionnaire inscrivaient dans l’opposition de l’Empire colonial, et la loi d’assimilation portée par le tout jeune député Aimé Césaire qui transforma la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion en départements français. Et pour beaucoup, le statut colonial n’était autre que le prolongement du système esclavagiste, la négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité. Avec la départementalisation, les « quatre vieilles colonies » obtinrent l’égalité institutionnelle. Ensuite, cinquante ans furent nécessaires pour que les français d’outre-mer obtinrent les mêmes droits sociaux que ceux de l’hexagone.

 

Je retrouvais l’esprit Maldoror en Guadeloupe en juillet 1987 au moment de l’arrestation de Luc Reinette militant anticolonialiste et indépendantiste guadeloupéen. La parole était l’avocate George Pau-Langevin, élève de Marcel Manville, plus proche ami de Frantz Fanon lesquels connurent la Martinique pétainiste de l’amiral Robert, marquée par les pénuries alimentaires, les divisions de classes et le classement du genre humain de la société locale. Là aussi, l’Algérie se dessinait.

 

Mes convictions et mon sens révolutionnaire inscrivaient dans le cadre de la République égalitaire tant dans les droits que le traitement des droits et des devoirs.  Les colonies étaient perdues. Cependant les héritiers des mémoires de l’esclave et du colonisé jouissaient des droits de silence, de droits de l’homme trafiqués, de justice et de l’humanité arbitraires voire dépouillées. Or, ces héritiers étaient éduqués selon la morale de nos « ancêtres les Gaulois » et furent nourris du coq gaulois. Je lisais Les Damnés de la Terre de Frantz Fanon qui interpellaient ma citoyenneté de la façon qui suit :

« Les nations européennes se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s’est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. » 

 

Les Damnés de la Terre était connu des militants anticolonialistes des années   1960. Il était bible car ce livre fut le dernier écrit par Frantz Fanon qui mourut quelques jours après sa parution. Les Damnés furent son testament. Il décrivait la dépersonnalisation, l’humiliation du colonisé, traité en sous homme, traumatisé, poussé au suicide ou à des luttes fratricides. Le propos faisait écho aux livres de José Luandino Vieira, La Vraie vie de Domingos Xavier et Le complet de Mateus.

 

Chez les colonisateurs, la violence est l’outil principal pour établir le fondement de leurs empires coloniaux aux Amériques, aux Afriques, en Asie et des autres continents. À cette force s’adjoint un ensemble systémique du classement du genre humain, ainsi, les colonisateurs imposent leur domination et la perpétuent par une administration coloniale aux fins économiques et d’« enrichissement ».

 

De la violence physique ou psychologique, ce qu’impose le classement du genre humain, la violence reste la violence. Les colonisateurs font de la violence l’utilité de préservation coloniale, les colonisés détiennent le droit, et plus encore, ont le devoir de l’employer pour revendiquer leur libération.

 

Frantz Fanon estimait la paysannerie, le lumpenproletariat   et le peuple des bidonvilles, fer de lance urbain de la lutte. Le paysan de Fanon est le prolétaire de Karl Marx, sur ses épaules reposait la Révolution. Le raisonnement est sans appel :

« Il est clair que, dans les pays coloniaux, seule la paysannerie est révolutionnaire. Elle n’a rien à perdre et tout à gagner. Le paysan, le déclassé, l’affamé est l’exploité qui découvre le plus vite que la violence, seule, paie. Pour lui, il n’y a pas de compromis, pas de possibilité d’arrangement. La colonisation ou la décolonisation, c’est simplement un rapport de force. L’exploité s’aperçoit que sa libération suppose tous les moyens et d’abord la force. »

 

Le propos servit au moment de la fondation du Mouvement pour la libération de l’Angola. Et, le lumpenproletariat constituait « une des forces la plus spontanée et la plus radicalement révolutionnaire d’un peuple colonisé », une fois doté d’une conscience politique. Cette analyse résonna au sein du Black Panther Party, qui percevait dans les Noirs des ghettos le lumpenproletariat américain.

 

En Afrique, Fanon eut des admirateurs comme les dirigeants Ahmed Ben Bella, Kwane Nkrumah, Mobido Keita, Ahmed Sékou Touré, Mouammar Kadhafi, Agostinho Neto, Luís Cabral, Aristides Pereira et Gamal Abdel Nasser. Il y eut, aussi, l’indien Jawaharlal Nehru. Cependant, les dérives terribles de certains de ces régimes à parti unique dans des dictatures relègueront la postérité de Frantz Fanon dans une obscurité injuste, car Fanon ne visait pas l’exaltation identitaire :

« Je suis nègre, et des tonnes de chaînes, des orages de coups, des fleuves de crachats ruissellent sur mes épaules. Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer. Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par la détermination du passé. Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères. »

 

Il était homme de l’universel dont les écrits toujours contemporains s’inscrivent dans le présent et offrent à la jeunesse d’aujourd’hui, aux Amériques, en Afrique ou dans les banlieues françaises, une lecture de la colonisation et de la décolonisation. Sa capacité à aller à contretemps habitait le courage et l’humanisme de Sarah Maldoror. Chacun défendait les droits sacrés et imprescriptibles de la nature, ces droits politiques que la Révolution avait rendu à tous les citoyens dont de puissants adversaires s’obstinaient à vouloir dépouiller.

 

Trente ans séparaient nos combats communs. Sarah Maldoror restait révoltée contre les dominations et contre la terreur. Le poids de l’Histoire ne prédestinait pas de ses actes, elle était son propre fondement, sa liberté. Pionnière devant les planches, derrière la caméra, elle contribuera à façonner un nouvel imaginaire du héros nègre américain ou africain, nourri par une nouvelle représentation du corps noir, dont elle s’est fait l’inégalable passeuse.

 

Le plus bel hommage à Sarah Maldoror est de remplir notre mission.

 

 

Les nominations et prix

 

–        En 3 mars 2011, Remise de décorations Insignes de Chevalière de l’Ordre National du Mérite par Frédéric Mitterrand à Sarah Maldoror ;

–        En 1996, Prix du jury et Prix de la critique – Festival du Caire ;

–        En 1996, Prix Daniel de Saint Jorre ;

–        En 1996, Prix de l’originalité – Québec au Canada ;

–        En 1995, Premier prix du Festival de Milan ;

–        En 1989, Label de la qualité décerné par le C.N.C ;

–        En 1972, Tanit d’or des Journées cinématographiques de Carthage ;

–        En 1972, Prix de l’Office Catholique d’Ouagadougou ;

–        En 1969, Premier prix du festival de Tours ;

–        En 1969, Prix du meilleur réalisateur, Journées cinématographiques de Carthage ;

–        En 1969, Premier prix du Festival du film britannique de Dinard.

 

Filmographie de Sarah Maldoror

 

  • Monangambee (30 min – fiction), Algérie, 1969.
  • Des fusils pour Banta (90 min – fiction), Guinée-Bissau, 1970.
  • Sambizanga (102 min – fiction), Brazzaville, Congo, 1972.
  • Saint-Denis sur Avenir (45 min – documentaire), 1973. Le film montre les problèmes des usines dans une banlieue ouvrière de Paris.
  • Et les chiens se taisaient (13 min), 1974. Le film est basé sur des extraits enregistrés de la pièce du même nom d’Aimé Césaire où le rebelle s’exprime dans un long poème douloureux devant la mère, criant à haute voix sa révolte contre l’esclavage de son peuple. Gabriel Glissant et Sarah Maldoror apparaissent comme acteurs au Musée de l’Homme à Paris qui est consacré à l’Afrique noire, intégrant dans leur jeu trois spectateurs qui jouent le rôle de témoins silencieux. Quelques photos de statues en bois et de masques de réserves africaines, ainsi que des échappées de paysages martiniquais, complètent ce documentaire.
  • Aimé Césaire – un homme une terre (52 min – documentaire), Martinique, 1977. Portrait d’Aimé Césaire, poète, homme politique et chantre de la négritude, enraciné dans sa terre natale de Martinique, à travers une longue interview par Sarah Maldoror, entrecoupée de quelques scènes présentant Césaire dans sa vie publique sur l’île. Césaire parle de la Martinique du Nord et de sa relation avec sa poésie (Cahier d’un retour au pays natal).

Il dit la nécessité de réveiller une culture populaire martiniquaise authentique, et de jeter les assises de la liberté. La réception de Léopold Senghor dans l’île par Césaire est l’occasion pour les deux hommes de discuter de la négritude ; entre des extraits de La Tragédie du roi Christophe, Césaire s’exprime sur la pièce et le personnage de Christophe. La visite d’un chantier des ateliers municipaux montre enfin l’homme politique local, qui dénonce aussi le statut colonial de l’île.

  • Un carnaval dans le Sahel (23 min – documentaire), Cap-Vert, 1979. Suite à son expérience avec les guérillas et les mouvements de décolonisation en Afrique, Sarah Maldoror réalise une série de films sur les pays nouvellement indépendants. Comme approche de l’histoire coloniale et de la culture noire au Cap-Vert, elle choisit de filmer le carnaval, afin de comprendre comment une manifestation populaire renverse les rôles où le dominateur devient le dominé. Du tumulte de la foule et de l’exubérance de la musique émergent les caractéristiques identitaires de la négritude.
  • Fogo, île de feu (23 min – documentaire), 1979. À l’occasion du 1er mai, fête des travailleurs, se perpétue encore sur l’île volcanique de Fogo aux Iles du Cap-Vert, la célébration d’une histoire légendaire qui remonte aux croisades et qui faisait s’affronter des Maures et des Chrétiens. Héritée des colonisateurs portugais, cette légende donne lieu à des joutes courtoises et à des courses de chevaux très appréciées des habitants de Fogo. Le commentaire de François Maspero nous dit les difficultés de survie sur ces îles rocailleuses privées d’eau et battues par les vents.
  • Carnaval en Guinée-Bissau (13 min – documentaire), 1980. Ce documentaire aborde la question de la signification de l’identité noire à travers les festivités du carnaval.
  • Miró – peintre (5 min – documentaire), 1980. Court-métrage pour la série télévisée « Aujourd’hui en France ». La revue d’une exposition de Miró à la Fondation Maeght offre l’opportunité d’approcher l’artiste surréaliste à partir des thèmes centraux du cinéaste. Le théâtre, l’interrelation entre les arts et la transformation de l’expérience des enfants à travers l’art. L’ensemble est comme une œuvre de Joan Miró transférée dans la vraie vie.
  • Le cimetière du Père-Lachaise (5 min – documentaire), 1980.
  • Paris, La Basilique Saint-Denis (5 min – documentaire), 1980. En 1977, la cinéaste réalise un court-métrage intitulé Abbaye royale de Saint-Denis. Elle nous y offre un regard singulier sur la basilique, « une des plus belles églises du monde ». Elle joue avec les lumières, n’hésite pas à filmer au plus près des sculptures devant lesquelles les gens passent souvent sans les regarder.

Le court-métrage souligne avec subtilité les différents aspects de l’édifice : cathédrale gothique, mais aussi nécropole « qui abrite les tombeaux des rois, de Dagobert à Louis XVI ». Le commentaire utilise des citations de Suger, élu abbé à Saint-Denis en 1122 et qui fut l’un des architectes de la basilique, comme des extraits de trois oraisons funèbres composées par Bossuet pour des membres de la famille royale.

Le film se termine sur ces mots inscrits par Suger sur une porte de la basilique : « L’esprit stupide s’élève à la vérité grâce à ce qui est matériel, et, en voyant cette lumière, ressuscite de son ancienne submersion. »

  • Un Dessert pour Constance (52 min – fiction diffusée sur France 2) d’après une nouvelle de Daniel Boulanger, avec Cheik Doukouré, Sidiki Bakaba, Jean Bouise, 1981. Dans le Paris des années 70, Bokolo et Mamadou, balayeurs de la ville de Paris, cherchent un moyen pour payer le retour au pays d’un de leur camarade malade. Ils découvrent un jour dans les poubelles un vieux livre de recettes de cuisine. Leur vient alors l’idée de participer à un jeu télévisé qui consiste à décliner avec précision les ingrédients des meilleurs plats de la cuisine française. Ils apprennent par cœur les recettes des sauces, entremets et desserts.
  • L’Hôpital de Leningrad (52 min – fiction diffusée sur France 2) d’après une nouvelle de Victor Serge avec Roger Blin, Anne Wiazemsky, Rudiger Vogler, 1982. Adapté d’une nouvelle de l’écrivain russe Victor Serge et produit par la télévision française, L’Hôpital de Leningrad raconte une visite dans un hôpital psychiatrique où le GPU (la police politique de Staline) place ses opposants.
  • Un Sénégalais en Normandie (10 min – documentaire), 1983. Portrait de Léopold Sédar Senghor en Normandie.
  • Paris, La littérature tunisienne de la Bibliothèque Nationale (5 min), 1983.
  • Toto Bissainthe – chanteuse (5 min – documentaire), 1984. À la fin des années 1950 à Paris, Sarah Maldoror débute sa carrière artistique aux Griots, une compagnie de théâtre entièrement composée de membres d’origine africaine, afro-caribéenne et afro-européenne. Parmi eux se trouvait le chanteur haïtien Toto Bissainthe. Trois décennies après cette expérience, Sarah Maldoror a réalisé ce portrait cinématographique de Toto Bissainthe dans le cadre de son projet de représentation de la culture de la négritude.
  • Robert Lapoujade – peintre (5 min – documentaire), 1984.

Portrait du peintre, graveur à l’eau-forte et à la pointe-sèche, lithographe et réalisateur français.

  • Alberto Carlisky – sculpteur (5 min – documentaire), 1984. Portrait du sculpteur qui débuta dans le journalisme. Antifasciste, il milite pour les républicains espagnols et gagne sa vie dans la publicité à Buenos Aires. À 38 ans, sculpteur autodidacte, il vient travailler à Paris avec Zadkine. À 39 ans, Alberto Carlisky fait sa première exposition personnelle à Paris, à la galerie La Roue. II expose ensuite à Buenos Aires, à la galerie Bonino. Carlisky représente l’Argentine à la Biennale de Venise en 1956, puis à la Biennale de Sao Paolo en 1957. II s’installe en France en 1959.
  • Le racisme au quotidien (5 min – documentaire), 1984.
  • Robert Doisneau – Photographe (5 min – documentaire – exposition au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis), 1984.
  • Le passager du Tassili (90 min – fiction diffusée sur France 2) d’après le roman d’Akli Tadjer avec : Anne Caudry, Lounès Tazaïrf, Smaïn, 1984.
  • René Depestre – poète (5 min – documentaire), 1984.
  • Aimé Césaire – Le masque des mots (52 min – documentaire), 1987.

Dans Aimé Césaire – Le Masque des mots, Sarah Maldoror a capté les images d’un être multiple… L’homme politique, maire de Fort-de-France qu’elle a filmé lors du colloque sur la Négritude à Miami qui s’interroge sur l’avenir de la Martinique et sur la recrudescence du racisme dans le monde, le poète qui part à la dérive des mots, le dramaturge pour qui l’acte poétique est un acte de liberté, et l’insulaire enfin, qui nous guide à travers la Martinique. Il lit des extraits de son dernier recueil Moi, Laminaire et parle de la poésie comme de « son poumon de secours ». Son langage est celui de son île.

  • Louis Aragon – un masque à Paris (13 min – documentaire), 1987. Il y a un fossé séparant le surréalisme de la période de l’entre-deux-guerres et de celui de l’après-guerre, et c’est ainsi que ce mouvement comprendrait la différence raciale. Au début, l’autre ou « primitif » était l’opposé du sujet bourgeois. Dans ce documentaire, Sarah Maldoror interviewe l’un des poètes surréalistes les plus influents de l’ancien surréalisme, tout en étant en même temps témoin des vues anachronistes du mouvement concernant l’affirmation d’autres identités.
  • Emanuel Ungaro – couturier (5 min – documentaire), 1987.
  • Vlady – Peintre (23 min – documentaire), Mexique, 1989. Portrait du peintre Vladimir Viktorovitch Kibaltchitch Roussakov, dit « Vlady », né le 15 juin 1920 à Petrograd (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) et mort le 21 juillet 2005 (à 85 ans) à Cuernavaca (Mexique). Vlady est l’instigateur de la Génération de la Rupture qui, au début des années 1950, réunit des jeunes peintres mexicains désireux de secouer le règne des « trois grands » : Diego Rivera, Siqueiros et Orozco. C’est dans la galerie Prisse qu’il a fondé que sont organisées les expositions qui réunissent Alberto Gironella, Héctor Xavier, Enrique Echeverria et José Luis Cuevas qui, sous l’égide de leur maître Rufino Tamayo, fonderont l’art moderne au Mexique.
  • Aimé Césaire, The Strength To Face Tomorrow, 1994. Dans son deuxième documentaire consacré à Aimé Césaire, homme de lettres et homme engagé, Sarah Maldoror s’entretient avec l’un des fondateurs du magazine « L’Étudiant Noir » (Paris, 1934) sur l’île natale de Césaire. Le terme « Négritude » est apparu pour la toute première fois dans ce magazine. Ils parlent de l’écrivain et de son combat pour la cause noire, de ses influences, de son engagement politique, de ses œuvres littéraires et de sa conception de la création artistique.
  • Léon Gontran Damas (23 min – documentaire), Guyane, 1995. Léon Gontran Damas, poète de la Guyane, ambassadeur de la culture noire aux États-Unis, ne figure pas dans le Petit Larousse. C’est pourquoi la réalisatrice de la Guadeloupe, Sarah Maldoror, lui consacre un documentaire.
  • L’enfant cinéma (23 min – fiction), Paris, 1997. Un film dramatique réalisé par Sarah Maldoror, avec Fily Keita.
  • Alain Séraphine – La tribu du bois de l’É (18 min – documentaire), Ile de La Réunion, 1998. À l’aube du IIIe millénaire, il y a mille façons d’aborder “les cultures” qui vous apportent la connaissance de « l’autre ». Aujourd’hui, la culture audiovisuelle domine et conditionne notre vie, mais « Tant que les lions n’auront pas de conteurs, les récits de chasse se feront toujours à la gloire du chasseur. » ( proverbe africain ).

Alain Séraphine, « ce rescapé du système éducatif », nous amène à mieux déceler et pénétrer la générosité bouillonnante des idées parfois confuses mais toujours passionnées de cette période. La Tribu des bois de l’È, à la naissance de Village Titan, n’est autre que la reconnaissance d’un face-à-face culturel.

À travers la vie et l’œuvre de ce sculpteur hors du commun, nous voyons qu’il faut miser sur l’exigence, le savoir-faire et la créativité.

À la Réunion, les chemins sinueux de la création permettent à ce bricoleur inventif, ce bâtisseur de rêves, de faire découvrir à chacun de nous, ce rêve qui a permis de créer l’Institut de l’image de l’océan Indien, l’école des beaux-arts.

  • Scala Milan A.C. (26 min fiction), 2001. Des adolescents participent à un concours : Décrire le quartier ou j’habite. Premier prix : un voyage à Milan. Le groupe, passionné de foot et du Milan AC, décide de rapper la description de leur quartier et de filmer un clip. Archie Schepp, qui habite le quartier, les voit faire et prend plaisir à les aider.
  • Regard de mémoire (24 min – documentaire) Haïti – Martinique, 2003. Sarah Maldoror filme l’écrivain Édouard Glissant au Fort de Joux, dans la cellule où le général haïtien Toussaint Louverture fut retenu prisonnier jusqu’à sa mort en 1803.

Elle s’entretient ensuite avec Aimé Césaire au Diamant en Martinique, devant le mémorial « Cap 110 Mémoire et Fraternité » de Laurent Valère.

Le document comprend enfin de courts entretiens avec Roland Suvélor et Madeleine de Grandmaison, et la lecture de textes interprétés par Greg Germain.

  • Voisins, voisines, actrice, 2005. Réalisé par Malik Chibane. Scénario : Jackie Berroyer, Malik Chibane et François Patissier.

Acteurs : Frédéric Diefenthal (Paco), Anémone (madame Gonzales), Jackie Berroyer (monsieur Gonzales), Gwendoline Hamon (Alice Loïc), Fellag (monsieur Malouf), Nora Armani (madame Macer), Candice Berner (madame Macer), Insa (Moussa), Sarah Maldoror (madame Patisson), Hakim Sarahoui (monsieur Macer).

En banlieue parisienne, les habitants de la résidence Mozart, ex-HLM privatisé, accueillent leur nouveau gardien, Paco, et un nouveau copropriétaire rappeur. Le rappeur, en manque d’inspiration n’a plus que trois jours pour écrire ses textes, sinon adieu l’avance de sa maison de disques. Idées, paroles, musiques… Et si l’inspiration était sur le palier, chez Alice, la belle informaticienne speedée, ou chez la grand-mère antillaise ?

  • Les oiseaux mains (30 s – clip, animation), 2005. Une courte animation sur le mouvement et la poésie.
  • Eia pour Césaire, 2008. Ce film est la découverte d’un poète, son quotidien, son cri : « je pousserai un tel cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées ». Peu de temps après la disparition d’Aimé Césaire, Sarah Maldoror revient sur les pas du poète. Le documentaire est ponctué par des extraits de films qu’elle a consacré au “Chantre de la négritude”, en particulier Un homme, une terre et Le Masque des mots. Des morceaux choisis, souvent sous forme de conversations, qui permettent de découvrir l’œuvre poétique, l’action politique, l’attachement, et la vision de la négritude de l’ancien maire de Fort-de-France.

Sarah Maldoror est aussi allée à la rencontre de proches de l’auteur de « Cahier d’un retour au pays natal » dont sa secrétaire et sa gouvernante. Elles nous font découvrir son quotidien ainsi que certains aspects de l’homme, surtout sa façon d’écrire, souvent sur des petits bouts de papiers. Régulièrement ponctué par les musiques de Max Cilla, le père de la flûte des Mornes, ce film dresse avec beaucoup de simplicité le portrait de celui qu’on appelait souvent « Papa Césaire », un homme profondément attaché à la Martinique, à sa culture et à son peuple.

  • Ana Mercedez Hoyos – peintre, Colombie, 2009. Documentaire sur l’artiste colombienne Ana Mercedes Hoyos, avec comme toile de fond la question de l’esclavage et des cultures afro-caribéennes.