Comme elle fut annoncée par le quotidien du soir, la vente aux enchères concernant des documents liés à la traite et l’esclavage s’est déroulée à Lyon sans incidents, s’inscrivant tant le dans le respect des personnes que dans le respect du Droit, sous le regard bienveillant de deux policiers. À cet égard et malgré l’indignation ambiante, les personnes ont fait preuve de civisme et de citoyenneté.

Durant l’exposition, le Commissaire-Priseur, Monsieur Chenu, se défend et minimise l’affaire affirmant de « ne pas être étonné des réactions des associations, des personnes, de la presse » car celle-ci a usé de titres provocateurs.  « Cette vente ne faisant pas l’apologie de la traite et l’esclavage » et, le thème de cette vente étant « le commerce maritime au XVIIIe siècle qui était consacré, pour partie, au commerce tripartite, on peut dire que le thème est un trafic avec l’Afrique, Saint-Domingue et retour en France, mais aucune lettre ne développe la traite et l’esclavage, ce sont des lettres sur des questions de frets et d’armements de navires, et il n’est pas questions des Noirs ».

Du même homme, c’est la première fois depuis trente ans de carrière, qu’il vivait une telle situation.

Indignation.

Dans son explication, Monsieur le Commissaire-Priseur oublie de mentionner que diverses personnalités politiques dont Madame Taubira et Monsieur Bertrand Delanoë, représenté à Lyon pour la circonstance par Madame George Pau-Langevin ont demandé, par écrit, aux ministères de la Culture, de l¹Education Nationale et des DOM-TOM d’exercer leur droit de préemption. La députée de Guyane a également saisi les présidents des départements d’Outre-Mer afin qu’ils usent, en leur qualité de pouvoirs publics territoriaux, de leur droit de préemption.

Il oublie de mentionner que les intellectuels tel le romancier Claude Ribbe a sollicité une initiative salutaire par l’acquisition de ces fonds, tant auprès de Madame Martine de Boisdéffe, vice-présidente des Archives de France que de Monsieur Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France.

Pour la circonstance, une femme qui a pris un jour de congé dans l’urgence, laisse exploser tant son indignation et sa colère à la lecture de certains documents soutenue par la présence de diverses personnes concernées par cette mémoire de l’esclavagisme. Aussi, une personne qui fût participante et partie civile au procès Barbie en qualité de fils de déporté laisse exploser son indignation dénonçant cette vente aux enchères qui pose l’histoire du rapport entre le colonialisme et le racisme.

Plus discrètement, d’une femme qui a qualité d’historienne, sous la demande d’une cousine, vient voir pour acheter des documents qui ont appartenu à sa famille et devant des journalistes, sans micros et sans caméras, elle affirme que certains documents sont liés directement à la traite et à l¹esclavage.

L’Etat doit confisquer !  

Stupéfaits, par des lettres, des mots ou des titres pour exemple, ce lot n°334, de Bordeaux, dont l’intitulé est « Dominique Cabarrus, roulier et armateur, il organise également des expéditions négrières ». La date de 1759-1771 ainsi que le résumé sont dignes d’intérêt : « réception de toile principalement pour Bayonne (son père, Barthélemy Cabarrus y est capitaine de navire et négociant) et l’Espagne par terre et par voie  maritime ; avaries, comptes de frais, négociation de marchandises sur Bordeaux. Expédition d’un navire pour Saint-Domingue et la Martinique (son frère, Léon, est installé dans la colonie), malgré la saturation du marché ; mais son capitaine disparaît sans donner de nouvelles. Achat de Saint-Emilion pour le Nicolais, ouragan sur Bordeaux, tous nos navires sont démâtés, affaires difficiles avec l’Amérique, etc… »

Encore, à la lecture du lot  347« commerce colonial, traite, banque », à voir le lot n°281, un manuscrit de Saint-Domingue : « requête d’indemnité pour un ancien colon de Saint-Domingue qui exploitait une habitation appelée le « Joli Trou », rapportant annuellement environ trente milliers de café et trente-deux nègres ».

Le poids des mots répète régulièrement un magazine célèbre, le choc des mots : nègres, négrier, expéditions, colonie, Martinique, Guadeloupe et Saint-Domingue sont des mots évocateurs pour les personnes Noires. Au delà du pays, de la zone géographique, il s’agit de l’Histoire, de la Culture de l’esclavagisme, de la Déportation, de la Traite.

Ces familles ont été indemnisées, pourquoi, donc faudrait-il payer une seconde fois ce qui reviendrait de droit et de fait à l’Etat ? Cette question revient régulièrement au cours de la journée. Ces personnes invisibles et non-visibles font, de nouveau, de l’argent sur les corps, les cadavres et la mémoire de l’esclave ! Tout s’emmêle et s’entremêle, des cales aux plantations, reviennent en mémoire les images et la douleur ! Chacun défend son opinion, l’opprimé s’oppose à l’acheteur. Le principal protagoniste, le vendeur reste absent, il s’est exclu du débat.

L’Etat va exercer son droit de préemption.

Cette nouvelle est reçue avec un certain enthousiasme, elle rassure car elle protège les documents de mains inconnues, elle inscrit les documents dans la Mémoire collective, les introduit dans le souvenir général.

Une seconde nouvelle est annoncée. Un avocat, Maître Philippe Missamou, dépêché par le Collectif des filles et des fils d’Africains déportés et diverses associations a introduit une procédure en référé au tribunal de Lyon aux fins d’obtenir du juge un classement en action inaliénable. La procédure est acceptée, il obtient une audience pour le Vendredi à 11h00.

La vente est fragilisée, elle peut ne pas avoir lieu, et le Commissaire-Priseur est dans l’obligation de négocier. Les parties s’entendent sur la continuité de la vente puisque les lots concernant cette procédure sont moins de cinquante. Pour l’occasion, les parties se sont entendues sur un choix de lots à soustraire de la vente avec les représentants des associations. Cette décision n’a pu être appliquée.

Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu n’a point trouvé l’interlocuteur cité par Maître Michel Missamou. A défaut, Monsieur le Commissaire-Priseur a effectué la soustraction des lots sans choix contradictoire par ce geste il fragilise la procédure à son bénéfice. En effet, les lots les plus intéressants seront préemptés par l’Etat et Monsieur le Commissaire-Priseur assure tant son profit qu’il vide la procédure de son intérêt !

Aussi, par son initiative non soumise à la contradiction, Monsieur le Commissaire-Priseur admet qu¹il y a des lots directement liés à la traite et au commerce des Noirs.

À cela s’ajoute le fait, que dans la Gazette de l’Hôtel Drouot, l’annonce faite sur la vente aux enchères de Lyon pour le 12/01/05 ne dit mot de manière directe ou indirecte sur des documents liés à la traite ou à l’esclavage. Par ailleurs, cette annonce ne dit mot sur un thème qui serait lié au commerce maritime !  A cela s’ajoute le décalage du contenu de l’information de ce quotidien du soir qui parle de « 500 lettres et manuscrits, provenant d’archives familiales ». Qu’il n’en déplaise à Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu, le quotidien du soir et la presse l’ont pris en flagrant délit de mensonge.

Peu importe l’Etat a préempté la majorité des lots dénoncés, incriminés et liés à la traite et à l’esclavage comme le lot 334. Sur ce point Monsieur le Commissaire-Priseur Chenu fût clair et attentionné. Six lots furent sortis de la vente comme les lots 281 et 347.

Malaise.

Intervient une question, quelle serait la source de l’information qui permet au quotidien du soir de faire son article. Une réponse serait les services du Commissaire-Priseur, notamment ses services en ligne. En furent victimes, l¹expert Monsieur Agiasse et certaines personnes de l’équipe de la salle des ventes qui reçurent des menaces de mort. La folie des uns entraînant la folie des autres.

Face à ce comportement, il devient urgent de dénoncer les évènements ayant traits à la traite, à l¹esclavage aux crimes contre l’Humanité. C’est le sens que le collectif des filles et des fils d’Africains déportés donne à la procédure en référé dont l’audience est le à Lyon le 14/01/05.Cette procédure, si Maître Philippe Missamou obtient gain de cause devant la Justice, permettra de mettre fin à ces évènements qui se passent à Bordeaux ou à Nantes, dont une vente sur le sujet de la traite, des négriers et de l’esclavage est traditionnelle et annuelle.

À l’issue de cette procédure, Maître Philippe Missamou souhaite que l’ensemble des divers documents sur la traite et l’esclavage soient classés monuments historiques et que les familles détentrices de ces documents puissent les remettre à ce titre à l’Etat. Il rappelle que ces familles ont fait et établie des fortunes sur la condition inhumaine et misérable de personne enchaînées à un code Noir.

Aussi tel le prétend l’adage, bien mal acquis ne profite pas, il ne serait que justice la remise de ces documents à l’Etat à titre gracieux et ces familles ont, aujourd’hui, un devoir envers l’Humanité.

Dans un second temps, peut-être, un impôt exceptionnel en direction de ces familles permettra-il de faire un centre de documentation nationale sur la traite, l’esclavage et la colonisation